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En tant qu’acteur de la lutte anti-contrefaçon, Fabrice Guéroux œuvre chaque jour pour lutter contre ce fléau et éviter aux amateurs de belle horlogerie des déceptions pouvant leur coûter plusieurs milliers d’euros. Aujourd’hui, il répond à des questions sur l’évolution de la qualité des montres contrefaites depuis ces quelques dernières années.
Comment peut-on évaluer aujourd’hui l’évolution des fausses Rolex, Patek Philippe ou encore Audemars Piguet de plus en plus présentes sur le marché ?
FG : On constate une évolution impressionnante d’un point de vue apparence. Les contrefacteurs s’approchent de plus en plus du design original. Là où auparavant il était possible de reconnaitre une fausse GMT Master II par la couleur de son insert, par les erreurs au niveau de la typographie utilisée sur les cadrans ou même par la qualité de l’acier utilisé, il est aujourd’hui particulièrement complexe d’y arriver.
A titre d’exemple, un collectionneur m’avait amené une Rolex Submariner à authentifier il y a de cela quatre ans environ. Je n’ai pas eu besoin de la prendre en mains, il l’avait au poignet et je pouvais déjà voir qu’elle était contrefaite. Certains de dire que c’est un exercice facile pour un expert mais je peux vous assurer qu’aujourd’hui, je préfère la prendre en mains et l’inspecter en détail avant de me prononcer. Les détails probants ont tendance à disparaître.
De quelle façon faut-il procéder aujourd’hui pour identifier une fausse Rolex ?
Il existe plusieurs approches. Beaucoup d’horlogers professionnels vous diront que la première chose à faire est d’ouvrir la montre et de regarder le mouvement. Ceci est un point de vue d’horloger équipé des outils adéquats pour avoir accès au mouvement. Je ne connais pas beaucoup de personnes ayant sur eux un « ouvre boite » Rolex… Sans compter les différentes tailles de fond de boite. Donc non, ceci n’est applicable que lorsque l’on possède un établi ou que l’on peut avoir accès à un horloger enclin à vous rendre ce service dans sa boutique.
Une autre approche, proposée par les professionnels, serait de comparer les polices de caractère présentes sur le cadran. Il existe aujourd’hui de nombreux articles sur le web vous montrant ces différences. Et après avoir consulté quatre ou cinq articles différents, vous ne savez plus où vous en êtes pour la simple et bonne raison que chacun de ces articles présente une fausse Rolex provenant d’un contrefacteur différent. Cela n’est pas réellement applicable à moins d’erreurs grossières, ce qui devient de plus en plus rare.
La meilleure approche est l’appréhension et le ressenti des finitions. Prenez une montre en mains et posez-vous la question : « est-ce qu’une manufacture comme Rolex ou Patek Philippe laisserait passer cette montre au contrôle qualité ? ». A partir de ce point de vue, vous pouvez inspecter chaque index, chaque aiguille, chaque pièce, chaque détail. Vous pouvez utiliser un de vos sens les plus importants dans l’authentification : le toucher. Passez vos doigts sur les angles du boitier, sur les maillons du bracelet, sur les coins des maillons… Sortie d’usine, une fausse montre sera coupante. C’est un très bon exercice.
Il est donc facile d’authentifier une fausse Rolex ou Patek Philippe par le toucher ?
Sortie d’usine oui. Malheureusement, il y a contrefacteur et contrefacteur. Prenons le cas d’une montre en provenance directe de Chine. Dans ce cas, l’exercice est possible, suivant le niveau de qualité. Si la montre provient d’un contrefacteur/distributeur tel que Julien V., récemment arrêté pour trafic de faux, il en est tout autrement. Certaines de ses montres étaient modifiées. Les finitions avaient été améliorées, les angles avaient été adoucis, les bracelets repolis et, dans certains cas, le mouvement avait été échangé par un vrai mouvement. Donc oui l’exercice peut être efficace lorsque la montre sort d’usine, mais ce n’est pas le cas lorsqu’un faussaire s’est chargé de l’améliorer.
Un vrai mouvement dans une fausse montre ? Cela ne devient plus rentable pour le contrefacteur si l’on considère le prix d’un mouvement Rolex…
Eh bien si. Prenons l’exemple d’une Rolex Submariner verte dite « Hulk » coûte aujourd’hui deux ou trois fois son prix boutique sur le marché de la seconde main. La montre est équipée d’un mouvement 3135. Ce même mouvement équipe de simples Datejust… Et il est possible d’obtenir ces mouvements à des prix relativement bas. Il est donc facile pour un faussaire de prendre une fausse « Hulk » et d’y insérer un 3135. Certains professionnels se sont fait avoir croyez-moi. Il faut avoir un certain niveau d’expertise pour authentifier ce type de montre.
Comment est-ce possible de fabriquer une fausse montre ressemblant à ce point à une vraie et la proposer à moins de 1000 euros ?
C’est une question de technologie. La technologie évolue à une vitesse vertigineuse en Chine. Le temps des pièces de qualité médiocres en provenance d’Asie est révolu depuis longtemps. La raison principale est que beaucoup de marques aujourd’hui commandent de plus en plus de pièces là-bas : boîtiers, bracelets, cadrans et aiguilles pour certains, sans compter les mouvements et leurs composants. Et ceci n’est plus un mystère. Les fabricants chinois ont donc développé des machines de pointe pour répondre à ces demandes. Ce qui veut dire des pièces de bonne qualité et des aciers de qualité (316L et 904L). A partir de là , les contrefacteurs peuvent faire appel à ces nombreuses usines pour la réalisation de leur pièces horlogères, avant de clandestinement les estampiller de la marque de leur choix par la suite.
Est-ce que cela touche le marché de la montre vintage ?
Plus que jamais et ceci depuis plus longtemps que l’on ne pourrait le croire. C’est quoi le marché du vintage ? Qu’est-ce qui rend une montre vintage plus désirable et plus chère qu’une autre ? Ses pièces… Est-ce que l’insert ou le cadran sont d’origine ? Si oui, sa valeur peut passer du simple au quadruple, voire bien plus dans certains cas. Les contrefacteurs et autres faussaires se sont intéressés au sujet il y a bien longtemps déjà. Il existe aujourd’hui énormément de fausses pièces vintage sur le marché, et si l’on considère que cela existe depuis longtemps, certaines fausses pièces ont déjà patiné et vieilli. Ce qui rend l’exercice encore plus difficile.
Et chaque année, les contrefacteurs améliorent leur travail, ont accès à des outils de plus en plus précis et évolués, sans parler de produits chimiques leur permettant même de reproduire des laques ou des index criants de vérité. Je serais tenté d’avancer que cela devient de plus en difficile pour les experts. Il est vital d’être au fait de ces évolution et, par-dessus tout, d’être en présence de modèles vintage au quotidien car c’est le facteur, et l’unique facteur, qui fait d’un expert un professionnel. Cela ne s’apprend pas sur le web, cela s’apprend sur place.
Un mot pour conclure ?
Les prix des montres ont tellement monté ces dernières années, qu’elles soient contemporaines ou anciennes, que vous devez vraiment faire appel à un expert avant de procéder à un achat. Les enjeux sont trop importants.
Mes plus mauvaises expériences ont toujours été de devoir mettre un client devant une vérité peu agréable en lui annonçant que sa montre est fausse ou qu’elle est équipée de fausses pièces. C’est loin de ce qu’il voudrait entendre et très loin de ce que je j’aimerais lui dire.
Je comprends également les marchands professionnels qui ont la présence d’esprit de faire appel à des experts indépendants, cela leur permet d’une part de s’assurer une tranquilité d’esprit en se procurant un second avis, et cela rassure énormément un client.
Je laisse ci-dessous quelques tips supplémentaires, en images, qui vous aideront, dans une certaine mesure, à faire la différence entre une vraie et une fausse Rolex Submariner (qualité 70%) ainsi qu’une fausse et une vraie Patek Philippe 5711 (qualité 80%), que je vous laisse apprécier par vous-même, pour l’exercice…
Retrouvez Fabrice Guéroux en interview dans "66 minutes" sur M6 dans son épisode du 17 septembre 2023.
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